Juan Gelman, poète argentin, est décédé mardi 14 janvier à Mexico à l’âge de 83 ans.Ci-après la dépêche AFP du 15 janvier :

« Juan Gelman était considéré comme l’un des plus grands poètes de langue espagnole ainsi qu’un inlassable pourfendeur des dictatures d’Amérique latine. Sa vie de poète ne l’a pas empêché de vivre à fond sa vie d’homme : football, fréquentation des cafés, billard, femmes, musique… Fils d’émigrants ukrainiens, le jeune Gelman peut, malgré les privations matérielles, s’épanouir dans la lecture ; il dévore les classiques de la littérature espagnole – Garcilaso, Quevedo, Gongora, Lope de Vega – et découvre le russe Alexandre Pouchkine.

Sa vie est marquée par son exil et le drame, pendant la dictature militaire en Argentine (1976-1983), de l’assassinat de son fils Marcelo, 20 ans, et de la disparition de sa belle-fille, Maria Claudia Garcia, âgée à l’époque, de 19 ans. Celle-ci est enlevée à Buenos Aires en 1976 et, alors enceinte, emmenée en Uruguay dans le cadre du plan Condor, un programme de répression des opposants à l’échelle internationale mis en place par les dictatures latino-américaines des années 70 et 80. Le bébé, une fille, est donné illégalement à la famille d’un policier uruguayen.

Gelman n’a jamais récupéré la dépouille de sa belle-fille. Mais son combat de 40 ans pour retrouver sa petite-fille et ainsi obtenir justice dans ce cas emblématique de bébés volés a fini par porter ses fruits en 2000. Après avoir vérifié son identité, la jeune femme décide de reprendre le nom de ses véritables parents. »

De nombreux poèmes de Juan Gelman ont été mis en musique par Juan Cedrón parmi lesquels   Le chant du coq (1990) qui évoque ces drames.

Sur le blog Barrio de Tango, Denise-Anne Clavilier publie et traduit un poème de son premier recueil, intitulé Violín et otras cuestiones.

Epitafio

Un pájaro vivía en mí.
Una flor viajaba en mi sangre.
Mi corazón era un violín.

Quise o no quise. Pero a veces
me quisieron. También a mí
me alegraban: la primavera,
las manos juntas, lo feliz.

¡Digo que el hombre debe serlo!
(Aquí yace un pájaro.
Una flor.Un violín.)

Un oiseau vivait en moi

Une fleur circulait dans mon sang

Mon cœur était un violon

J’ai aimé ou non. Mais parfois

on m’a aimé. Moi aussi,

j’ai eu mes joies : le printemps

les mains unies, le bonheur.

Je dis que l’homme doit l’être.

(Ici gît un oiseau

une fleur

un violon…)