Si le tango est sensuel, il est aussi source de souffrance, ce qui est toujours plus excitant que de ne rien ressentir…
Il se faisait plaisir, à l’idée qu’elle pourrait arriver dans la milonga au moment où il danserait milonguero avec une autre.
C’est ainsi qu’ils se sont rencontrés et quand elle l’a aperçu dans cette position, elle a tout de suite compris qu’il l’avait fait pour que naisse chez elle une infime douleur, légère mais néanmoins réelle. Cela a duré quelques danses, parfois ils se sont croisés semblant indifférents à ce qui leur arrivait mais leurs corps éloignés témoignaient de leur trouble par un frémissement de la peau.
Plus tard, lors d’une nouvelle tanda, il a marché vers elle soutenant son regard violent, noir et elle a compris que jamais il n’arrêterait de marcher, parfois aérien, parfois ancré dans le sol, mais toujours avec elle. Et depuis, son souffle sur sa chair l’aide à se laisser aller, la danse les métamorphose.
Enveloppée des bras de l’homme, elle imagine, elle imagine et ne résiste pas à la figure, au tour, à la musique, à la voix… Le tango et l’homme lui offrent toutes ses sensations, cette main sur sa peau au fur et à mesure que la danse progresse, qu’il se déplace comme un félin, cette main la fait frissonner. Et le bout de ses seins de durcir. Elle croit qu’elle est allongée, qu’elle rêve, elle a la sensation d’avoir fumé ou légèrement bu. Vite, un geste pour sentir qu’elle est bien debout, elle enfonce ses ongles peints dans la nuque de l’homme, celui-ci s’écarte alors légèrement, laissant ainsi un peu d’espace, n’emmêlant plus leur corps, mais toujours ensemble dans la danse. Il voit mieux la rougeur de ses joues, son cou, son épaule dénudée. Ce paysage l’émeut, l’excite, il souhaite ardemment continuer à la désirer, à l’aimer et à danser avec elle.
Dessin Andy Warhol