Le tango, autrefois ? » Il se passe la main sur le front, réfléchit…

« Une ambiance très pauvre, rien à voir avec aujourd’hui. Des genshumbles, de métiers très divers, se réunissaient après la journée pour répéter un peu. Du maté, des biscuits et c’était parti. On jouait beaucoup dans le club du quartier, surtout dans les clubs de foot. Il y en avait des tas, on pouvait danser partout. Le samedi soir, dans la capitale argentine, on trouvait facilement plus de 50 orchestres à l’affiche et c’était seulement ceux qui se faisaient connaître…. Imagine- toi. »

J’imagine.
« On choisissait d’aller ici ou là en fonction du style ; selon les orchestres ça jouait différemment , il y avait les plus classiques et les autres… »
Lui se définit comme classique, orthodoxe.
« Quels orchestres je préfère… ? » Il énumère Gobi, Di Sarli, Troilo, Salgano. Quels chanteurs ? Julio Sosa, Edmundo Rivero. Un orthodoxe, c’est évident.
Il ajoute que dans les clubs, il ne fallait pas rigoler. On y allait pour danser. Il y avait certains endroits plus tolérants où les choses se mêlaient. Mais par contre il y en avait d’autres : « Je te donne un exemple : je me rappelle d’un club, Villa Malcom – une milonga qui existe encore – où on ne rigolait pas : si tu faisais un pas trop suggestif en couple, le censeur apparaissait et te remettait en place. Il y avait la censure sur les pistes ! On pouvait t’expulser et tu ne revenais jamais ! Il y avait certains clubs, notamment dans le quartier de Mataderos, où ça pouvait même se compliquer… si tu me comprends… » Je ne comprends pas. « C’est simple, si tu invitais une femme avec qui tu n’aurais pas dû danser, les locaux venaient te cracher sur le dos… Je te l’assure, il fallait faire gaffe. Aujourd´hui le tango est devenu plutôt un cirque, un cirque pour les étrangers ! ». Il se passe la main sur le front. « C est comme ça, qu’est ce que tu veux que je te dise ? ».

D’Espagne, de France, d’Italie, et même du Japon, des tangueros, professeurs et danseurs, viennent dans cette vieille demeure pour demander à Florindo Brindesi de pratiquer encore son art.

Et Cholo le tailleur, quand il livre le costume, offre toujours la cravate avec…
Avec la complicité de Martin Suaya
Photos Martin Suaya